Plan d’action de lutte contre le décrochage scolaire – Henriette Zoughebi
Conseil régional des 25 et 26 avril 2013
Plan d’action de lutte contre le décrochage scolaire
Henriette Zoughebi
Cher-e-s collègues,
Le rapport que je vais vous présenter ce matin constitue le plan régional d’action contre le décrochage.
C’est le résultat d’un long transversal mené avec mon collègue Emmanuel Maurel puisqu’il traite de la lutte contre les sorties sans diplôme de formation initiale. Il concerne donc aussi bien la lutte contre l’abandon scolaire que la lutte contre les ruptures de contrat d’apprentissage.
En 2012, d’après les derniers recensements des trois académies près de 29000 jeunes en Ile de France sont sortis de formation sans qualification ni diplôme. Selon l’INSEE. (Chiffres 2010), plus de 12 % des 18-24 ans sont concernés.
Derrière ces chiffres préoccupants et qui ne diminuent pas dans le temps il y a une réalité humaine : des jeunes en souffrance, qui ne peuvent se projeter dans l’avenir, s’insérer durablement dans la société où l’obtention du diplôme, toutes les études le montrent, est aujourd’hui indispensable quelque soit le niveau ou la filière pour une insertion professionnelle.
Derrière ces chiffres, il y a un incroyable gâchis, parce que des jeunes formés, qualifiés, c’est une richesse pour notre région, un atout et un levier formidable pour le développement économique.
Derrière ces chiffres il ya une terrible injustice, puisque si le décrochage peut toucher toute sorte de jeunes, ceux qui, au final, quittent leur formation sans diplôme sont dans leur très grande majorité des jeunes issus des milieux populaires.
L’action publique qui permettra d’en finir avec cette réalité nécessite de l’exigence en termes de moyens d’action et d’objectifs donc une mise en synergie des politiques publiques menées en ce domaine, de la précision, de l’obstination, et la constance.
Avant tout, elle exige que l’on rompe avec une période récente ou le pouvoir politique avait fait le choix de stigmatiser des jeunes les plus fragiles et leurs familles, considérant les premiers comme une menace pour l’ordre public et les seconds comme des irresponsables qu’il convenait de sanctionner si besoin par la suppression des allocations familiales.
À l’inverse, le plan régional d’action met l’accent sur la nécessité de soutenir et d’accompagner les jeunes les plus en difficulté et leurs familles. Et je reprendrai volontiers à mon compte l’idée portée au printemps dernier d’une dette éducative à leur égard que la société doit aujourd’hui à honorer
Naturellement cela revient en premier lieu à l’Education nationale.
Son rôle est central dans la lutte contre l’échec scolaire, Cela passe par un meilleur accompagnement du jeune dans la classe pour éveiller le désir d’apprendre et respecter le droit de chaque jeune à l’éducation parce que il n’y a pas « d’élèves qui peuvent » et « d’élèves qui ne peuvent pas »
Cela renvoie aux questions pédagogiques, à la formation des maitres, aux conditions d’études à l’école,
Cela passe également par la nécessité de considérer le jeune dans sa globalité d’ou l’importance de consolider des équipes pluri professionnelles dans les établissements (enseignants naturellement mais aussi CPE, CO PSY assistantes sociales, infirmières …)
Cela nécessite également de reconnaitre au lycéen-ne- le droit à l’erreur et donc la possibilité de réorientation par la mise en place de passerelles
Tout cela relève de la compétence de l’éducation nationale et participe du débat en cours sur la loi de refondation de l’école. Et si j’en partage les grands objectifs, il me semble que le texte de loi doit être enrichi pour valoir refondation ; un enrichissement particulièrement nécessaire sur le volet du lycée. Je pense en particulier à la question de la place de la voie technologique et de la voie professionnelle d’une part, à la question des passerelles entre les trois voies d’autre part et j’ai demandé au ministre qui l’a accepté, que l’Ile de France soit territoire d’expérimentation en la matière.
De la même manière l’éducation nationale doit assurer ses responsabilités dans la prise en charge des jeunes en situations de décrochage. Ce point a été rappelé par le ministre Vincent Peillon dans une récente circulaire avec la mise place des réseaux FOQUALE et l’objectif d’un retour en formation de 20 000 jeunes d’ici la fin de l’année 2013. Cela marque la encore une rupture avec le passé puisque le précédent gouvernement renvoyait la prise en charge aux seules missions locales.
Cette responsabilité de l’éducation nationale, irrigue complètement le rapport. Il n’y a dans le plan d’action aucune ambigüité sur le respect des compétences de l’Etat et des collectivités. C’est également repris avec force dans l’avis du CESER. Aucune ambigüité non plus, pour ma part, pour rappeler que des moyens significatifs devront être engagés par l’Etat pour assurer cette responsabilité. Cela a été souligné dans tous les débats préparatoires à ce rapport
Pour autant face aux dégâts humains, au coût social, économique des sorties sans diplôme, aucune institution ne peut considérer qu’elle est dédouanée. De nombreux autres acteurs agissent et c’est indispensable.
– La région avec le dispositif réussite pour tous dans les lycées, le dispositif d’accès à l’apprentissage et le dispositif qualité de l’alternance dans les CFA,
– Les départements dans le cadre de leurs responsabilités en direction des collégiens mais aussi du fait de leurs compétences dans le domaine social,
– Les communes naturellement
Tout cela, il faut aujourd’hui le mettre en synergie avec le travail des missions locales, des lycées des CFA.
C’est le sens des propositions du plan régional d’action qui vise à mieux coordonner les politiques publiques de prévention et de « raccrochage » à l’échelle des territoires pour mobiliser les énergies autour du ou de la jeune qui en a besoin
Le premier volet du plan d’action consiste ainsi à fédérer les acteurs de la lutte contre le décrochage
Nous commencerons par quatre territoires d’expérimentation
À Paris, dans les 11e, 18e et 19e arrondissements.
En Seine-Saint-Denis sur le territoire de La Courneuve, Pantin, Saint-Denis et Saint-Ouen,
Dans le Val-d’Oise sur le territoire de Gonesse, Goussainville, Montsoult, Villiers-le-Bel.
Et en Seine-et-Marne sur le territoire couvert par la plateforme de Brie-Sénart dans chacun de ces territoires la région mobilisera des moyens humains et financiers permettant d’engager un travail coopératif. Comme support de cet engagement nous proposons que soit rédigé dans chacun de ces territoires un protocole de sécurisation du parcours de formation, signé par l’ensemble de ces acteurs.
Le deuxième volet vise un renforcement de l’accompagnement des jeunes
Le passage du collège au lycée ou du collège au CFA est une période sensible La région financera l’accompagnement de jeunes qui en ont besoin, identifiés par les équipes dans les collèges, en lien avec leurs familles, afin de mieux leur faire connaitre les possibilités qui s’offrent à eux en termes de formation, déconstruire des représentations, éviter les autocensures. Les associations (à but non lucratif) chargées de cet accompagnement interviendront en complément et en étroite collaboration avec les équipes éducatives, en premier lieu le professeur principal et le conseiller d’orientation psychologue. Elles poursuivront le suivi du jeune après la 3eme dans les premiers trimestres au lycée ou en CFA pour soutenir son adaptation à un nouveau contexte de formation.
Le décrochage est aussi une conséquence de difficultés sociales dont souffrent un nombre significatif de jeunes.
Un dispositif d’urgence sera mis en place en lien avec les départements et les villes qui le souhaitent pour répondre très rapidement et au cas par cas à des besoins par exemple en termes d’aide au logement, de contribution au transport, Il permettra ainsi de donner une aide ciblée pour des jeunes signalés par les équipes dans les lieux de formation afin de répondre très rapidement à un besoin pour éviter toute rupture de scolarisation en attendant une prise en charge sur la durée par des services sociaux par exemple
La question des jeunes mères est également abordée dans le rapport avec la proposition
– d’accompagner les lycéennes lors du congé maternité, organiser le lien entre l’école et le domicile pour permettre de poursuivre les apprentissages
– et de travailler à la mise en œuvre de solution pour un retour en formation à l’issue du congé maternité en articulant une scolarisation en micro-lycée avec un accueil en crèche
Le troisième volet consiste à favoriser le retour en formation pour des jeunes « décrochés ».
Il s’agit de mieux répondre à un besoin de nouveau départ pour les jeunes sortis sans diplôme sachant que le retour en formation nécessite souvent de nouvelles modalités, adaptées à des jeunes dont l’histoire de vie, les conditions sociales interdisent du moins momentanément, un retour dans une formation classique.
La région propose pour cela de mobiliser plus encore le dispositif d’accès à l’apprentissage, le dispositif avenir jeunes et de créer avec l’Education nationale de nouvelles ouvertures de Micro Lycées et de structures innovantes. Il s’agit également de mettre en œuvre avec les académies après adoption de la loi de refondation, « le droit à durée complémentaire de formation qualifiante pour tous les jeunes sortant du système éducatif sans diplôme »
Enfin je souhaite insister sur notre démarche.
Ce plan régional d’action est le fruit d’un long travail collaboratif qui a démarré après le vote en septembre 2011 d’une délibération faisant de la lutte contre le décrochage une grande régionale, délibération proposée par le groupe socialiste et je veux le remercier et tout particulièrement son président Guillaume Balas qui s’est personnellement beaucoup investi dans son travail mais aussi tous les membres de la commission formation professionnelle et de la commission des lycées. Leurs remarques collectives et les interventions personnelles m’ont été particulièrement utiles.
Pendant les presque 18 mois qui ont séparé ce vote et le débat d’aujourd’hui, il s’est passé beaucoup de choses :
– des rencontres multiples à la région avec tous les partenaires impliqués sur le sujet. Certains sont d’ailleurs présents ce matin j’en profite pour les saluer et les remercier.
– la tenue des assises régionales le 22 septembre, en présence de la ministre Georges Pau Langevin et du recteur de Paris François Weil, qui ont réunies plus de 500 personnes
– la réalisation de deux études sur la réalité du décrochage en Ile de France
– le rapport a été présenté devant les deux instances représentatives dans les 2 délégations que constituent: le CIAEN et le CCREFP avec des retours largement positifs.
– il a fait l’objet d’un avis du CESER qui va vous présenter ses conclusions.
Nous souhaitons Emmanuel et moi poursuivre avec cette méthode tout au long de la mise en oeuvre et dans le suivi des résultats de ce plan. C’est pourquoi au delà de l’évaluation prévue nous proposons la constitution d’un comité de suivi associant les élus des deux commissions, les groupes composant l’assemblée régionale, le CIAEN, le CCREFP.
Nous prévoyons également de poursuivre le travail de diagnostic avec en particulier une étude sur le travail salarié des lycéen-ne-s et ses incidences sur le décrochage, poursuivre le travail collaboratif avec notamment l’organisation de forums dans les territoires sur le sujet
La lutte contre l’échec scolaire, les sorties sans diplôme exige une mobilisation collective.
Toutes les énergies existent sur notre territoire, nous l’avons constaté pendant le processus d’élaboration du rapport. Il faut maintenant les regrouper, les fédérer et envoyer à tous les jeunes un message de confiance, leur dire de ne jamais baisser les bras, de ne pas désespérer, qu’à l’ambition pour construire leur vie nous répondrons par un engagement de la Région pour créer avec l’éducation nationale et tous les partenaires, les conditions de leur réussite.
Je vous remercie .