Acte III de la décentralisation – Gabriel Massou
Conseil régional des 25 et 26 février 2013
Acte III de la décentralisation
Gabriel Massou
Ce débat arrive dans un moment politique très particulier. Nous vivons une crise économique, sociale et écologique et indissociablement une crise démocratique, une crise des institutions.
Ses racines se trouvent dans les logiques des choix opérés depuis trop longtemps, qui fondent le mouvement de notre société sur un couple indissociable, celui de l’ultralibéralisme et de la «gouvernance».
Cette crise doit nous amener et à modifier radicalement les choix politiques et à refonder nos institutions, y compris la place et le rôle des collectivités territoriales. Ce projet, nous l’appelons 6e République, et nous voulons le construire avec les citoyennes et les citoyens eux-mêmes. C’est le sens de la manifestation à laquelle nous appelons le 5 mai.
À cette crise politique globale, s’ajoute pour nous, élus franciliens, un enjeu non moins majeur : celui de la métropolisation. Cet enjeu, nous l’avons bien défini dans le SDRIF : il est de construire une autre métropole, inclusive, solidaire, prenant à bras le corps la réduction des inégalités.
Dans une région riche, où élus, intellectuels et au-delà, sont engagés depuis plus de dix ans dans un travail d’élaboration commune, avec Paris Métropole, le SDRIF, la consultation des architectes, le Livre vert, les débats sur la gouvernance, nous pensons qu’il est possible de construire de nouveaux outils et de nouvelles politiques pour répondre à ces enjeux.
C’est parce que nous sommes porteuses et porteurs d’une grande ambition pour la France, pour l’Île-de-France et pour une métropole solidaire et populaire que nous portons aujourd’hui un jugement sévère sur les projets de loi présentés.
Je ne saurais, dans le temps qui m’est imparti, aborder toutes les critiques que nous aurions à faire sur des projets aussi denses. Je me concentre donc sur quelques questions brûlantes pour nous en Île-de-France.
Nous portons d’abord un jugement sévère sur la méthode.
Alors même que ce débat n’est pas nouveau ; alors même qu’on nous avait promis un « acte III » hyper-concerté, à l’inverse de la réforme territoriale de 2010 ; voilà un texte qui n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les élus, et encore moins avec les citoyens. Comment peut-on croire répondre à la grande crise démocratique que nous traversons avec de telles méthodes ? Pour notre part, nous sommes persuadés que l’implication citoyenne est le moteur du changement. Nous pensons qu’il faut complètement repenser ce projet, y compris en saisissant la Commission nationale du débat public pour donner le temps nécessaire à l’élaboration démocratique.
Jugement critique sur le fond, ensuite. Ce projet est marqué par la continuité des logiques qui ont prévalu jusqu’ici, qui juxtaposent voire opposent égalité et compétitivité et qui au nom de celle-ci s’inscrivent dans la mise en concurrence des territoires et des « grandes métropoles ».
Nous partageons tous la nécessité des intercommunalités, mais d’intercommunalités de projet, sur des territoires de projet. Imposer des seuils de 200 ou 300 000 habitants est une réponse technocratique qui ne correspond à rien.
Nous ne pouvons accepter que la métropole de Paris se voit confiée des pouvoirs aussi grands alors que ses dirigeants seront des élus désignés au troisième niveau de délégation ; et où ni la Région, ni les départements n’y sont présents.
Nous ne croyons pas non plus que ce projet constitue une réponse efficace : il pose un problème de cohérence en dissociant totalement politiques des transports, du logement, de l’aménagement et du développement économique ; et en n’abordant jamais la question des moyens, et pour cause… la cure d’austérité pour les collectivités est à l’œuvre !
Nous ne refusons pas à priori toute évolution institutionnelle, en complémentarité et cohérence avec le rôle des départements, de la région et de ces lieux de citoyenneté irremplaçables que notre peuple s’est donné de haute lutte, les communes.
Oui, nous pensons que l’organisation territoriale doit évoluer pour répondre aux enjeux de la métropolisation, de la lutte contre l’étalement urbain, pour construire de nouvelles solidarités territoriales et notamment résoudre la crise du logement. Nous avions d’ailleurs proposé nous-mêmes la création d’une autorité organisatrice du logement.
Oui, nous voulons une réforme territoriale et institutionnelle partagée et une réforme de la fiscalité qui donnent les moyens nécessaires à des politiques publiques solidaires et égalitaires. Mais pour être un progrès, les évolutions doivent répondre à deux grandes questions :
Permettent-elles de trouver des réponses plus efficaces aux problèmes des Franciliens ?
Apportent-elles un progrès en matière de démocratie, d’implication citoyenne ?
À l’aune de ces deux boussoles, nous jugeons que le projet est une réponse inacceptable à une vraie question. Vous l’avez compris, pour nous le débat n’est pas entre le statu quo et le changement ; mais bien sur quel type de changement !
Cette réforme territoriale pourrait être l’occasion de trouver ensemble les moyens de répondre plus efficacement aux besoins et aux attentes des franciliens. Ne ratons pas cette occasion.
Donnons-nous le temps d’y travailler, avec les citoyennes et les citoyens, avec leurs élus.